Notes d’une conférence donnée par Clare Brandys, Ph.D., Psych. Clin., psychologue, neuropsychologie clinique.

Remarque : Cette information décrit les principes généraux seulement. Pour obtenir de l’information plus détaillée et personnalisée, communiquez avec votre professionnel de la santé.

Pourquoi les personnes atteintes d’épilepsie ont-elles souvent des troubles de la mémoire?

Il se peut que le processus de mémoire soit entravé par les crises épileptiques ou par un trouble sous-jacent au niveau du cerveau qui est à l’origine des crises. Les anticonvulsivants peuvent également occasionner des troubles de la mémoire. Il se peut également qu’il ne s’agisse pas d’un trouble de la mémoire comme tel.

De quelles façons les crises occasionnent-elles des troubles de la mémoire?

La mémoire est un processus naturel qui requiert une attention et un enregistrement continu par différentes parties du cerveau. Or les crises épileptiques perturbent la mémoire en diminuant l’attention ou le traitement de l’information. Les crises sont souvent suivies d’une période de confusion durant laquelle les nouvelles traces mnésiques ne sont pas stockées dans le cerveau. Les crises tonico-cloniques (grand mal) qui provoquent une perte de connaissance peuvent entraver les processus normaux du cerveau et perturber la phase d’enregistrement de la mémoire à court terme. À l’occasion, des souvenirs à plus long terme des instants précédant la crise sont également perdus, puisqu’ils n’ont pas encore été pleinement enregistrés dans le système de mémoire du cerveau. Si une crise est très grave et prolongée (état épileptique) et qu’elle est accompagnée d’hypoxie (apport insuffisant d’oxygène au cerveau), elle peut provoquer des lésions secondaires au système de mémoire.

Quel autre facteur peut causer des troubles de la mémoire?

Une tumeur ou une lésion cérébrale sous-jacente peut nuire au processus de mémoire. Il est aussi possible que le trouble de mémoire soit dû à une origine focale se situant tout au fond du lobe temporal près de certaines parties essentielles à la mémoire (p. ex. l’hippocampe). Certaines personnes atteintes d’épilepsie présentent une activité électrique inhabituelle dans leur cerveau entre les crises – ce que l’on appelle activité « interictale » ou « sous-clinique ». Cette activité interictale peut affecter l’attention et possiblement la mémoire. Il est également possible que le trouble de mémoire soit en fait un problème cognitif (p. ex., un problème d’attention ou de langage, ou un trouble spatiovisuel). Le problème peut être d’ordre émotionnel, dû à l’anxiété provoquée par certaines situations ou par la dépression. La capacité de mémorisation peut être diminuée par l’humeur ou les troubles du sommeil.

Les anticonvulsivants peuvent-ils causer des troubles de la mémoire?

Les anticonvulsivants peuvent altérer votre pensée et votre mémoire, mais d’un autre côté, ils peuvent maîtriser vos crises; or plus les crises sont fréquentes, plus les troubles de la mémoire le sont aussi. Discutez des effets secondaires de vos médicaments avec votre neurologue. N’interrompez pas la prise de vos médicaments sans l’avis du médecin.

Les troubles de la mémoire sont-ils tous identiques?

Non. Renseignez-vous sur vos troubles de la mémoire particuliers. Avez-vous des pertes de mémoire après une crise? Notez-vous des fluctuations dans votre mémoire, par exemple si elle est mieux à certains moments? Ces fluctuations sont-elles reliées au stress ou à certaines tâches ou situations? Votre mémoire est-elle pire dans un certain endroit ou avec une certaine personne? Plusieurs types de troubles de la mémoire sont reliés au stress. Pouvez-vous vous rappeler certaines choses si l’on vous pose une question incitative ou si l’on vous donne un indice? Avez-vous une meilleure mémoire pour les photos (mémoire visuelle) que pour les mots (mémoire verbale)? La mémoire regroupe différents processus. Apprenez sur quels processus vous vous reposez afin de maximiser vos forces et d’accepter vos limites.

Comment fonctionnent les processus de la mémoire?

Il y a plusieurs types de processus de mémoire. Certaines personnes utilisent davantage leur mémoire verbale, se souvenant des choses en terme de mots ou de sons, alors que d’autres utilisent les images ou les rapports spatiaux. Quel processus fonctionne le mieux pour vous? Il y a la mémoire sémantique qui réfère à la mémoire fondée sur des connaissances, par exemple, l’histoire de la Première Guerre mondiale. Celle-ci diffère de la mémoire épisodique, c’est-à-dire la mémoire d’événements particuliers, comme une sortie que vous avez effectuée la semaine passée. La plupart d’entre nous ont entendu parler de la mémoire à court terme (mémoire de travail) et de la mémoire à long terme, qui réfère en fait au souvenir des choses survenues dans le passé récent.

Stocker de l’information dans notre mémoire s’appelle l’encodage. Le processus suivant est celui de la consolidation, puis vient le processus d’extraction de l’information qui s’appelle la récupération. Certaines personnes ont de la difficulté à encoder de l’information dans leur mémoire, alors que d’autres éprouvent de la difficulté à la récupération de l’information, mais elles n’ont besoin parfois que d’un indice ou d’une question incitative pour récupérer la mémoire stockée. Commencez à reconnaître les processus de mémoire qui fonctionnent bien pour vous afin que vous puissiez maximiser vos forces et minimiser vos faiblesses.

Mes émotions jouent-elles un rôle dans mes troubles de la mémoire?

Essayez de découvrir comment vos processus de mémoire fonctionnent. Il peut y avoir des situations importantes pour vous dans lesquelles vos troubles de la mémoire sont très incommodants et d’autres situations moins importantes où ces troubles n’ont pas autant de portée. Quelles sont les exigences et que devez-vous faire? Il se peut que le problème soit pire si vous vous fâchez contre vous-même lorsque vous n’arrivez pas à vous souvenir de quelque chose. Si votre mémoire vous fait défaut, ne vous débattez pas, ce qui ne fait qu’entraver davantage vos capacités cognitives; lâchez prise. Vous efforcer encore plus de vous en souvenir ne vous servira à rien. Une attitude d’acceptation et d’adaptation est plus bénéfique à la mémoire que les comportements ou les pensées futiles. Il y a de bonnes chances que vos troubles de la mémoire ne disparaissent pas; il vaut mieux alors que vous ayez des attentes raisonnables et que vous trouviez des façons de contourner le problème.

Quels sont les troubles de la mémoire les plus courants?

Selon un sondage, les cinq troubles de la mémoire les plus courants sont les suivants : le premier serait un trouble du processus de mémoire verbale dans lequel la personne est incapable de se souvenir d’un mot tout en l’ayant « sur le bout de la langue ». Dans le deuxième trouble de la mémoire, la personne oublie si elle a effectué une tâche, par exemple éteindre la cuisinière, ce qui tiendrait probablement du fait qu’elle n’a pas été suffisamment attentive au départ. En troisième lieu viennent les gens qui égarent des objets, ce qui découle probablement d’un problème du processus de mémoire spatiale. En quatrième place s’ajoutent les oublis du nom de personnes connues, dus à un défaut de la mémoire verbale. Enfin, un autre type d’oubli consiste à ne pas retenir ce qui vient d’être dit ou entendu. Le type et la gravité des troubles de la mémoire varient d’une personne à l’autre.

Les troubles de la mémoire s’améliorent-ils avec le temps?

Si votre trouble de la mémoire résulte d’une lésion cérébrale récente, vous bénéficierez d’une période de rétablissement spontané après la blessure, durant laquelle les cellules se réorganisent. Cependant, si plusieurs années se sont écoulées depuis la lésion cérébrale, vous ne devez pas vous attendre à une amélioration importante. Après deux ou trois ans, il n’y a probablement plus de chance de rétablissement. Si le trouble de la mémoire a pour origine une blessure survenue il y a 20 ans, les chances de rétablissement naturel sont peu probables. Il est important d’accepter qu’il n’y ait pas de « remède » contre de tels troubles de la mémoire. Néanmoins, certaines stratégies peuvent vous aider à composer avec la situation.

Les exercices mentaux peuvent-ils améliorer la mémoire?

Il est bon de demeurer mentalement actif, mais cela n’améliorera pas votre trouble de la mémoire. Les recherches ont montré que les jeux de mémoire et les exercices visant à aiguiser la mémoire ne sont pas utiles en général. La mémoire n’est pas un muscle; l’exercice ne l’affecte pas. Les techniques et les stratégies visant à composer avec votre trouble de la mémoire se révèlent plus bénéfiques.

Que puis-je faire pour mieux composer avec les troubles de la mémoire?

Pour ce faire, vous devez adopter de bonnes habitudes de mémoire et suivre un « régime mémoire » santé (comme les quatre groupes alimentaires). Vous obtiendrez de meilleurs résultats si vous permettez au type de mémoire qui fonctionne le mieux pour vous de compenser; par exemple, utilisez l’imagerie mentale si votre mémoire visuelle est plus forte. Soyez constant et maîtrisez ce que vous pouvez pour faciliter la mémorisation. Une autre excellente technique consiste à révéler à des personnes de confiance que vous avez des troubles de la mémoire, car elles pourront vous donner des indices. Vous n’avez qu’à leur dire par exemple : « Ma mémoire me joue des tours; cela m’aiderait si vous pouviez me faire des rappels. » Cela pourrait faire toute la différence. N’ayez pas peur de demander de l’aide externe. Reconnaissez que l’humeur et le stress contribuent aux troubles de la mémoire. Ayez des attentes réalistes. Faites preuve de flexibilité dans vos exigences face à vos troubles de mémoire.

Y a-t-il de bonnes habitudes à adopter pour améliorer la mémoire?
  • Acceptez qu’il n’y ait aucun remède
  • Exploitez vos capacités existantes
  • Soyez plus attentif
  • Prenez plus de temps
  • Répétez
  • Faites des associations
  • Organisez
  • Reliez l’encodage et la récupération des informations
Y a-t-il des stratégies formelles pour aider le processus de la mémoire?

Le processus de mémoire consiste à mémoriser l’information, la conserver et la récupérer. Vous pouvez mémoriser activement l’information (encodage) en étant plus attentif aux choses que vous désirez ou devez retenir. Bien des gens ont de la difficulté à se rappeler le nom d’une nouvelle personne parce qu’ils ne prêtent pas attention au nom. Les distractions nuisent à l’encodage de nouvelles informations, alors éliminez les distractions autant que possible. Répétez ou renforcez l’information – en la répétant plus d’une fois – pour l’encoder. Utilisez l’élaboration, l’exagération, l’organisation ou l’association avec des choses qui ont un sens pour vous afin d’améliorer le processus de mémoire. Par exemple, vous pouvez associer le nom d’une personne avec une image farfelue ou à quelque chose que le nom évoque en vous. Ces techniques aident le cerveau à traiter l’information à plusieurs niveaux et à faire davantage de liens. Les études ont démontré que les traces mnésiques sont plus fortes en présence d’un plus grand nombre de liens – c’est-à-dire que l’information est mieux retenue. Le groupement ou le fractionnement de l’information – un numéro de téléphone, par exemple – en de plus petites « unités » est une autre stratégie visant à encoder plus efficacement l’information.

Le livre Page-a-Minute Memory Book de Harry Lorayne procure de nombreuses stratégies de mémoire simples et pratiques.

Y a-t-il d’autres stratégies visant à améliorer la mémoire?

De nombreuses informations se prêtent à l’imagerie mentale pour favoriser leur mémorisation, surtout si votre mémoire visuelle fonctionne le mieux. Vous pouvez utiliser des « mots crochets » pour vous aider à mémoriser une liste séquentielle. Avec la méthode des mots crochets, chaque nombre possède un indice visuel phonologique, par exemple, « un : main; deux : nœud; trois : toit », et vous n’avez qu’à former une image dynamique avec cette paire. Plus vous utilisez un grand nombre de sens et de méthodes, meilleure sera votre mémoire. Par exemple, si vous écrivez le nom d’une personne, vous vous en souviendrez mieux, mais si vous l’écrivez dans le sable (toucher) et que vous l’entendez, l’encodage est interactif et l’information est plus susceptible d’être retenue. Certaines personnes mémorisent mieux des listes en se rappelant la première lettre, comme « Vous Tuez Ma Jeune Servante Unijambiste Norvégienne » pour se rappeler des huit planètes de notre système solaire (Mercure, Vénus, Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune). D’autres personnes tissent une histoire avec l’information au moyen d’élaboration, d’exagération et de visualisation – faisant ainsi un encodage interactif de l’information pour mieux l’assimiler.

Qu’est-ce qu’un groupe de mémoire?

Il s’agit d’un groupe de personnes qui se rassemblent et s’offrent du soutien dans l’utilisation de stratégies de mémoire. Ces groupes peuvent être très utiles pour les gens qui ne composent pas bien avec leurs troubles de la mémoire ou pour ceux qui désirent partager leurs expériences avec d’autres.

Les produits naturels peuvent-ils améliorer la mémoire?

L’efficacité des produits naturels pour améliorer la mémoire n’a pas été démontrée. Certaines personnes prennent un produit appelé Gingko Biloba. Je ne peux toutefois pas recommander spécifiquement le Gingko Biloba, bien qu’il ne se soit pas révélé nocif à ce que je sache. Le ginseng est un autre produit produit naturel qui, comme stimulant, peut améliorer la vigilance, laquelle fait partie du processus de mémoire. Certes, nous apprenons mieux lorsque nous sommes attentifs. Assurez-vous que le médecin qui traite votre épilepsie est au courant de toutes substances que vous prenez.

Comment puis-je prendre en charge mes troubles de la mémoire?

Reconnaissez que vous avez un problème de mémoire. Présumez que ce problème sera présent demain. Vous êtes aux prises avec ce trouble, alors vaut mieux vous y faire à l’idée. Ne vous organisez pas pour échouer. Si vous croyez oublier quelque chose, ne vous mettez pas à l’épreuve pour voir si vous vous en souviendrez. Il est préférable de réduire le nombre de choses dont vous devez vous rappeler. Vous pouvez restructurer votre environnement pour ne pas avoir à recourir à votre mémoire aussi souvent. Utilisez de l’aide externe. Par exemple, si vous voulez vous souvenir d’apporter un objet lorsque vous sortez, mettez-le près de la porte lorsque vous y pensez pour que vous ne l’oubliiez pas plus tard. Mettez des notes et des étiquettes sur les choses que vous ne voulez pas oublier. Prenez votre vie en main. Qu’est-ce que ça peut bien faire si vous ne vous rappelez pas le nom de tout le monde?

Quelles autres aides extérieures puis-je utiliser?

Notez les choses dans un journal ou un carnet, sur un calendrier ou une liste pour ne pas devoir les garder en tête. Ou enregistrez-les sur un magnétophone ou un dictaphone au moment où vous y pensez. Employez des indices sensoriels pour vous souvenir de faire quelque chose : avertisseur, montre-réveil, ou simplement une corde enroulée autour du doigt (tant que cet indice est suffisamment précis pour ce que vous devez vous souvenir!). La technologie actuelle offre de nouveaux dispositifs très utiles comme les agendas électroniques, les montres qui enregistrent les numéros de téléphone et le nouveau système de signalisation Neuropage qui vous indique quand vous devez prendre vos médicaments, etc.

Comment puis-je lire un bon livre si j’oublie ce que je viens tout juste de lire?

En effet, cela peut être tout un défi. Essayez de lire à haute voix pour être plus attentif à ce que vous lisez. Ou encore, surlignez certains passages que vous avez lus, ou prenez des notes. Traduisez ce que vous lisez en vos propres mots pour vous aider à retenir l’information. Assurez-vous d’inclure ce que vous avez lu dans une conversation peu de temps après. Exagérez ce que vous avez lu pour renforcer la trace mnésique.

Quels conseils pouvez-vous donner à une personne qui souffre de troubles de la mémoire?

Apprendre à vivre avec les troubles de la mémoire consiste à adopter de bonnes habitudes et à apprendre à contourner le problème. Essayez de relaxer; le stress peut aggraver les troubles de mémoire existants. Soyez flexible; différents types d’information peuvent nécessiter différentes méthodes de mémorisation. Soyez engagé, motivé. Être plus attentif requiert des efforts. Si une méthode échoue, essayez de nouveau : parfois, les choses ne se produisent pas comme prévu. Essayez de ne pas vous attarder aux choses du passé que vous aimeriez vous souvenir. Prêtez attention au moment présent pour créer de nouveaux souvenirs. Tournez-vous vers l’avenir et non vers le passé. Et, surtout, célébrez vos succès!