Une équipe de chercheurs canadiens, codirigée par les docteurs Elysa Widjaja et Mary Lou Smith, de l’Hospital for Sick Children de Toronto, a récemment achevé une étude pancanadienne sur les résultats de la chirurgie de l’épilepsie sur la qualité de vie liée à la santé des enfants canadiens.
L’épilepsie peut avoir des conséquences terribles sur la qualité de vie liée à la santé des enfants (QDV). L’épilepsie pharmacorésistante se caractérise par des crises mal contrôlées malgré un traitement à base de deux médicaments antiépileptiques ou plus. Les deux principaux traitements de l’épilepsie pharmacorésistante sont la chirurgie et la thérapie médicale. L’évaluation de la QDV après un traitement chirurgical ou médical a été motivée par le fait que l’épilepsie affecte de multiples aspects de la vie des enfants et que les parents d’enfants épileptiques souhaitent savoir quel traitement est efficace non seulement pour améliorer le contrôle des crises, mais aussi pour améliorer la QDV de leurs enfants. Les objectifs de l’étude étaient de comparer l’efficacité de la chirurgie de l’épilepsie à celle du traitement médical sur l’amélioration de la QDV sur 2 ans, de comprendre quels facteurs cliniques, parentaux et familiaux peuvent influencer les changements de la QDV après le traitement, et d’identifier les facteurs préopératoires qui peuvent prédire la QDV 2 ans après la chirurgie.
Comment les chercheurs ont-ils mené l’étude ?
Cette étude multicentrique a recruté des enfants atteints d’épilepsie pharmacorésistante et traités par chirurgie de l’épilepsie ou par thérapie médicale dans huit centres au Canada, notamment l’Hospital for Sick Children de Toronto, le BC Children’s Hospital de Vancouver, l’Alberta Children’s Hospital de Calgary, le CHU Ste-Justine de Montréal, le Children’s Hospital de Winnipeg, le Royal University Hospital de Saskatoon, le McMaster Children’s Hospital de Hamilton et le London Health Sciences Centre de Londres. Tous les enfants suspectés d’épilepsie focale et évalués en vue d’une chirurgie de l’épilepsie étaient éligibles à l’étude. Le groupe de thérapie médicale était composé d’enfants qui, après avoir subi une évaluation standard en vue d’une chirurgie de l’épilepsie, n’étaient pas candidats à la chirurgie.
Qu’ont-ils mesuré ?
Les chercheurs ont demandé aux parents de répondre à des questions sur la QDV de leurs enfants et sur la fréquence des crises au début de l’étude (au moment de l’évaluation chirurgicale), puis à 6 mois, 1 an et 2 ans.
Les informations sur l’épilepsie des enfants ont été recueillies à partir des dossiers médicaux. Les symptômes dépressifs et anxieux de l’enfant et des parents, ainsi que le fonctionnement de la famille, y compris la satisfaction des relations familiales, la disponibilité des ressources familiales et les exigences de la famille, ont été évalués à l’aide de questionnaires au début de l’étude, après 6 mois, 1 an et 2 ans de suivi. L’étude a également recueilli des informations sur les caractéristiques démographiques des parents, notamment l’âge, le sexe, la situation professionnelle, le revenu du ménage, le niveau d’éducation et la situation matrimoniale.
Qu’ont-ils constaté ?
Sur les 479 enfants éligibles pour l’étude, 265 ont participé. Il y avait 111 patients ayant subi une intervention chirurgicale et 154 patients ayant subi une intervention médicale. Les chercheurs ont constaté que l’amélioration de la QDV des patients ayant subi une intervention chirurgicale était nettement plus importante que celle des patients ayant subi une intervention médicale. Ils ont suivi l’évolution de la QDV au fil du temps et ont constaté que l’amélioration la plus importante de la QDV chez les patients ayant subi une intervention chirurgicale s’est produite au cours des six premiers mois suivant l’opération. Toutefois, la QDV a continué à s’améliorer au cours de la première année suivant l’opération, puis est restée stable deux ans après l’opération. Chez les patients médicaux, la QDV est restée relativement inchangée au cours des deux années de suivi. Le fonctionnement social s’est amélioré après l’opération, mais le fonctionnement cognitif, émotionnel et physique ne s’est pas amélioré après l’opération. Au cours des deux années de suivi, deux fois plus de patients ayant subi une intervention chirurgicale n’ont pas eu de crises d’épilepsie que de patients ayant subi une intervention médicale (72 % contre 33 % respectivement). Ceux qui n’avaient plus de crises étaient plus susceptibles d’avoir une meilleure QDV.
Les chercheurs ont élargi les résultats ci-dessus en examinant la contribution du contrôle des crises, des symptômes dépressifs de l’enfant et des parents et de la disponibilité des ressources familiales dans la détermination de la QDV après le traitement (chirurgie vs. traitement médical). Ils ont constaté que l’amélioration de la QDV observée chez les patients ayant subi une intervention chirurgicale était due à l’effet indirect de la chirurgie sur l’amélioration de l’absence de crises, ce qui améliorait ensuite la QDV. Les symptômes dépressifs de l’enfant et des parents, ainsi que les ressources familiales, n’ont pas affecté la relation entre le traitement et la QDV. Il a également été démontré que l’effet du contrôle des crises sur la QDV n’était pas médiatisé par les symptômes dépressifs de l’enfant ou du parent, ni par les ressources familiales.
S’appuyant sur les résultats précédents, les chercheurs ont évalué les facteurs prédictifs préopératoires de la QDV deux ans après la chirurgie de l’épilepsie. Ils ont montré que chez les patients ayant subi une intervention chirurgicale, une meilleure QDV préopératoire et un âge plus avancé au moment de l’apparition des crises étaient associés à une meilleure QDV deux ans après l’intervention. Les autres variables cliniques, les données démographiques des parents, l’humeur des parents et les facteurs familiaux tels que les ressources familiales, les relations familiales et les exigences familiales n’ont pas permis de prédire la QDV deux ans après l’opération.
Pourquoi les résultats sont-ils importants ?
Il s’agit de la plus grande étude évaluant la QDV après une chirurgie de l’épilepsie chez les enfants. L’inclusion de patients chirurgicaux et médicaux provenant de plusieurs centres garantit que les résultats sont applicables aux enfants atteints d’épilepsie pharmacorésistante dans tout le Canada. Cette étude a fourni des preuves de l’efficacité de la chirurgie de l’épilepsie dans l’amélioration de la QDV des enfants. Il est important de comprendre comment la QDV évolue après une intervention chirurgicale par rapport à un traitement médical pour conseiller les enfants et les parents et les aider à prendre une décision concernant les options thérapeutiques. Il a été démontré que le contrôle des crises est le principal facteur d’amélioration de la QDV, alors que les symptômes dépressifs de l’enfant et des parents et les ressources familiales ne sont pas des médiateurs importants. Cette constatation souligne l’importance d’obtenir un contrôle des crises pour améliorer la QDV. Il est important d’améliorer le contrôle des crises et la QDV chez les enfants, car cela peut avoir des effets en aval, tels qu’une meilleure réussite scolaire et professionnelle. En outre, la QDV préopératoire s’est avérée être le facteur prédictif le plus important de la QDV deux ans après l’opération, ce qui souligne l’importance d’optimiser la QDV préopératoire pour maximiser la QDV après l’opération. Les interventions visant à améliorer les compétences sociales et l’estime de soi, et à réduire la détresse émotionnelle, telles que le conseil, le soutien par les pairs ou la thérapie cognitivo-comportementale, ainsi que l’augmentation de l’activité physique chez les enfants, pourraient éventuellement améliorer la QDV avant l’opération.